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A la sauvette 7

 

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J'aime cet endroit non tant pour la copie de la statue de la Liberté qui trône cette extrémité de l’île aux cygnes, que pour l'impression qui vous y saisit parfois d'être comme à la proue d'un navire qui bientôt avalera ces perspectives

 

 

Assis, l'un à côté l'un de l'autre, en pleine discussion, passionnée mais sans saillies ni plus d'éclats que de chuchotements ; de ces dialogues que l'on peut avoir quand on s'apprécie ou s'aime, et qu'il ne vous manque pourtant jamais de sujets à confier, d'idées à partager …

Je n'ai jamais su me concilier le sens de ce silence supposé d'or qui me parut plus souvent sourdre d'une condamnation implacable ou traduire fuite éhontée.

Notre présence au monde est faite du regard de l'autre et du dialogue d'avec lui entretenu. Oui, entretenu comme on soigne antiquité précieuse et fragile et s'entête à restaurer ce qui invariablement s'abîme.

Sur le banc, juste en face de l'entrée de la station Porte d'Auteuil. Eux aussi discutaient enfin il me parut que ce fut surtout l'un qui admonestant l'autre, pointait ce doigt réprobateur en direction de l'autre.

On ne dira jamais assez tout ce qu'une main peut faire ou exprimer du poing levé de révolte au doigt d'honneur, pas très élégant mais si évocateur. Le doigt n'est pas toujours vengeur mais pointé, il montre moins qu'il ne vise mais pis parfois qu'une arme.

Celui-ci est de ceux que d'ordinaire qu'on ne voit pas ou ne le veut point, dont on fuit le regard. Installé sur une chaise pliante entre un chien et une grosse peluche avec laquelle il feint de converser ou à qui il suggère de se tenir tranquille !

Devant moi, l'homme accélère légèrement le pas sans pour autant tourner la tête : ne surtout rien affronter ni la réalité ni l'éventuelle mauvaise conscience. Deux mondes se côtoient sans se voir.

Scène ordinaire de l'urbain ? Ce prochain qu'on nous intime d'accueillir ne s'approche que d'être venu d'ailleurs. L'étrangeté commence là et nos monstruosités.

 

Il suffit qu'on abandonne l'idée, l'habitude ou le goût de lire … l'écran fût-il minuscule se substitue à tout, à l'attente, au rêve, à la réflexion et offre un imaginaire si bien ficelé que prêt à consommer.

Parfois le tapage ressemble terriblement au silence ; à la solitude en tout cas.

Contrefaire les grands … Jouer n'est pas qu'affaire d'enfance. Je nous crois ne jamais y avoir cesser non plus que de jouer rôle au sérieux de quoi nous feignons d'accorder quelque crédit.

L'attendrissant ici ne tient pas tant à cette étrange tête-à-queue qui, enfant, nous presse à ne plus l'être quand, adulte, nous désespérons de ces rives désormais inaccessibles.

Non il tient à ce qu'eux sont bien meilleurs acteurs que nous …

Rêver, lire ; arracher un peu de temps, de répit ou de souffle au brouhaha ambiant. Voici bien figure où le silence semble pouvoir rassembler nos bribes éparpillées.

J'aime que le mot recueillir dise ceci également.