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Un couple impossible: philosophie/communication
Omniprésente, boursouflée de sa propre importance,
furieusement autiste, la communication occupe la totalité du terrain
au point qu'il ne semble plus exister d'autre prisme sous lequel appréhender
le réel ...que le sien !
Au risque de n'y plus considérer qu'une technique habile de transmission
d'un message, au risque du sophisme et de ce qu'en politique, on ne peut
nommer autrement que démagogie!
Naïvement, je me suis longtemps demandé pourquoi la philosophie nourrissait tant de griefs contre la communication. Il s'agit en réalité d'une incompatibilité tenant aux origines de la philosophie au moins autant qu'à la définition même de la communication. D'une part la philosophie s'installe dans l'écrit grec contre les sophistes à qui elle reproche non seulement de faire payer ses talents mais surtout de produire des énoncés fallacieux.
D'autre part, et, ici encore, dès son origine grecque, la philosophie se pose la question de ce qui est pensable, dicible, transmissible ! Et refuse, résolument, que soit supposé résolu, ce qui précisément fait problème ! De la sorte elle range assez vite la question de la communication ou bien du côté du charlatanisme ou bien du côté d'une simple technique rhétorique où elle ne saurait envisager qu'une simple technique sans grand intérêt philosophique.
Pour autant la validité de la communication ne peut être évacuée d'un simple revers de manche :
la communication partage avec la philosophie une
définition, sinon floue en tout cas ouverte , de son objet. Si ceci les
empêche de se considérer comme science, ceci ne les invalide pas pour
autant.
La résistance dans le temps de la philosophie, sa propension à se nourrir de
sa crise parce qu'elle s'interroge sans cesse sur son être même, montre
qu'il peut se déployer un corps de savoir, un domaine discursif hors du
panthéon scientifique sans que pour autant ceci ne l'invalide.
Pourquoi alors reprocher à la communication ce qui fait vivre la
philosophie?
la communication partage encore ceci avec la philosophie
qu'elle est à la racine, aux fondements ... en tout cas au carrefour. De la
même manière que l'on pourrait écrire que tout est philosophique on peut
affirmer que tout est communication. Et ceci à soi seul pose problème qui
contrevient à l'exigence de falsifiabilité que posait K Popper !
Que peut signifier du point de vue même de la communication le fait
d'aborder l'objet uniquement sous l'angle de la communication? N'est-ce pas
réduire l'objet à une simple transaction plus ou moins performante
techniquement ? Mais d'un autre côté n'aborder l'objet que sous l'angle de
sa seule cohérence rationnelle n'est-ce pas régresser en expurgeant l'objet
de toute contingence historique, sociale et ce faisant, en revenir à une
approche très, trop classique - au sens du 17e siècle ?
La nécessité d'un procès !
Au même titre qu'un Leibniz inventait la Théodicée , qui fut une forme de procès qu'il intentait à Dieu; au même titre qu'un Kant réinventait la Critique en livrant un procès à la raison elle-même , sans doute devrions-nous inventer une δικη de la communication ...
Pourquoi, par analogie, songé-je ainsi à la question si suavement théologique des rapports entre la raison et la foi ? Sinon parce qu'ici, comme là, on peut prendre le problème par deux bords opposés dont on imagine bien qu'ils donneront des résultats très différents :
procéder comme St Thomas à la suite de St Augustin : convoquer la théologie devant le tribunal de la philosophie
procéder comme Averroès et convoquer la philosophie devant le tribunal de la loi théologique musulmane
Au fond, tout dépend de ce que l'on cherchera à disculper : dans ce genre de procès, le défendeur s'en tire toujours avec les honneurs.
C'est bien ainsi un double regard qu'il importe de porter, à partir des deux perspectives : envisager la communication sous l'aune de la philosophie mais aussi la philosophie à l'aune de la communication.
La communication pose ainsi trois problèmes à la philosophie
La philosophie pose ainsi deux problèmes à la communication