Platon (427-347 av. J.-C.)
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Platon est né à Athènes. Sa
famille appartient à l'aristocratie et compte des figures célèbres mêlées à
la vie politique de la Cité. La jeunesse de Platon est imprégnée des crises
qui secouent l'Athènes d'alors, où l'impuissance du gouvernement
démocratique conduit à la parenthèse de la tyrannie des Trente, puis au
rétablissement d'une démocratie affaiblie. En dépit de telles discordes, le
jeune athénien reçoit l'éducation soignée qui sied à son rang. En 408 av.
J.-C., il rencontre son maître et inspirateur Socrate, qu'il ne cessera de
fréquenter jusqu'à la mort de ce dernier (339 av. J.-C.).
L'œuvre de Platon se construit donc sur un sol dramatique qui commence avec
l'expérience d'un désordre politique et moral, qu'atteste le spectacle
scandaleux d'une cité qui accuse et met à mort le plus juste de ses citoyens
: Socrate. Platon ne cessera de méditer cette injustice mise en scène dans
l'Apologie de Socrate, le Phédon et le Criton. Aux échecs répétés de ses
efforts pour construire une cité juste, à la cour de Denys de Syracuse en
Sicile, s'oppose les succès de son école, fondée en 387 av. J.-C. :
l'Académie. Elle met à l'honneur l'enseignement que pratiquait Socrate
lui-même par le dialogue, style cher à Platon jusque dans ses écrits.
Les dialogues platoniciens ne mettent jamais en scène Platon lui-même, mais
ils ont pour figures centrales le philosophe, le plus souvent Socrate,
entouré de personnages divers : sophistes, rhéteurs, jeunes nobles
d'Athènes, hommes politiques, ou poètes. Le philosophe, parmi eux, met à
l'épreuve leurs savoirs et en dénonce les prétentions. Car, avant de savoir
si l'on sait véritablement quelque chose, il faut savoir qu'on ne sait rien,
et pour cela dissiper toutes nos illusions.
Ainsi, le philosophe se définit comme celui qui accouche les esprits de la
vérité (aléthéia), celui qui pratique ce que le Théétète nomme " la
maïeutique ". Le sage accouche de la pensée, il critique les opinions pour
révéler que les choses ne sont pas ce qu'elles paraissent, mais ont une
réalité supérieure. Platon établit dans ses plus grands dialogues, comme la
République, le Phèdre ou le Sophiste, la distinction entre l'intelligible et
le sensible. Les Idées et le devenir établissent deux ordres de réalités qui
se dévoilent à deux sortes de connaissances : la science (épistémè) et
l'opinion (doxa). Déçue par l'instabilité des choses extérieures et
l'incertitude de l'opinion, l'âme (psyché), qui a faim de vérité, se
détourne du monde des choses sensibles et découvre celui des Idées (idea,
eïdos) comme la patrie perdue dont elle est issue. Toute pensée véritable
devient ainsi l'expérience de cette mémoire oubliée, puis redécouverte,
grâce à un processus de connaissance qui cherche à s'élever des choses
sensibles aux objets mathématiques, puis des objets mathématiques aux Idées.
Le célèbre Mythe de la Caverne du livre VII de la République illustre ce
mouvement de la connaissance en présentant l'itinéraire de celui qui
parvient à se libérer de l'illusion, et à découvrir la vérité des choses.
Apprendre, comme dit le Ménon, c'est se ressouvenir : la réminiscence nous
rend ce que l'existence incarnée nous a fait oublier. Les Idées, qui donnent
sens et consistance à notre monde sensible en lui apportant ses qualités
ontologiques, ne constituent pas pour Platon une évidence première : elles
dessinent plutôt cette origine perdue et regrettée que l'âme vise et désire
à travers un itinéraire spirituel qui la conduit de l'ici-bas faussement
réel à la pleine vérité de l'intelligible. Cet itinéraire qui permet
d'atteindre l'Idée est ce que Platon appelle la " dialectique ". Celle-ci a
un double versant : elle est dite ascendante lorsque, remontant d'hypothèses
en hypothèses, elle permet d'atteindre l'Idée de Bien qui est anhypothétique
; et elle est dite descendante lorsque, à partir de cet anhypothétique, elle
ressaisit l'unité de l'Idée et la diversité du sensible.
Parallèlement à cette théorie de la connaissance, Platon établit une
philosophie politique qui cherche à définir la cité juste. La République
décrit cette cité idéale en distinguant trois castes d'hommes : l'ordre des
dominants, l'ordre des gardiens, et l'ordre des producteurs (artisans et
commerçants). Ces trois castes sont en adéquation avec la distinction
platonicienne des trois parties de l'âme : la raison, le courage et
l'appétit. Elles instaurent une hiérarchie sociale dont le sommet est le
philosophe-roi, qui est le seul habilité à bien gouverner la cité. Le
Politique poursuivra ces développements en accentuant le rôle des lois,
thème qui fera l'objet de son dernier dialogue.
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