Elysées 2012

Jean-Louis Borloo

Personnage plutôt sympathique, à l'opposé des images lisses que nos politiques se donnent souvent, le cheveu un peu fou quoiqu'il tentât parfois de l'assagir, JL Borloo n'a aucune actualité depuis un mois.

C'est le muet du sérail - avec Bayrou d'ailleurs.

Après le remaniement si décevant pour lui, puisqu'on lui avait tant promis Matignon qu'il n'eût rien, après son quitte ou double périlleux, le voici contraint à jouer les opposants, lui qui a plutôt une âme majoritaire et qui aura d'autant plus de mal à se poser en contre que, justement, il fut longtemps un prétendant à Matignon.

Le voici donc quittant l'UMP, et, quoiqu'en prenant sereinement son temps, candidat, virtuel peut-être mais candidat quand même.

Il a deux atouts : il est centriste et écologiste.

Radical, de cette frange radicale qui a rallié la droite depuis 69 et la présidence Pompidou, il appartient à cette étrange tribu de notables de province au passé prestigieux mais tellement lointain, qui commença sa carrière dans la radicalité, l'opposition franche au régime et la termina dans le conformisme républicain le plus pur, et le plus nostalgique, rattrappée qu'elle fut par des réformes successives qui videra progressivement son programme de tout sens.

Force d'appoint, le parti radical n'est depuis longtemps plus la colonne vertébrale de toute majorité qu'il aura été sous la IIIe: plus depuis 44, remplacé dans ce rôle par le MRP sous la IVe, puis par le gaullisme depuis 58. Même si la référence à de Gaulle et au gaullisme est singulièrement absente des discours sarkozystes, mais ceci avait déjà commencé avec Chirac, il n'empêche que le courant, dissous dans l'UMP, existe toujours et domine d'autant mieux le parti unique que les héritiers de l'ex UDF se sont ou bien couchés ou bien divisés.

Mais justement être force d'appoint signifie être au pouvoir, vouloir être au pouvoir, surtout dans un système dominé par les présidentielles et le scrutin majoritaire à deux tours aux législatives. Lui qui peut paraître, dans un premier temps, diviser les forces majoritaires, peut aussi offrir l'opportunité entre les deux tours d'une illusion d'ouverture, puisqu'il sera dit que le coup de l'ouverture à gauche de 2007 ne se fera pas, ne pourra plus se faire.

Il participe enfin de l'écologie dont il a dirigé le ministère durant quatre ans, où le Grenelle de l'environnement, lui aura conféré quelque légitimité à aborder le sujet. Il est le témoin qu'une écologie de droite est possible et peut ainsi rassembler, outre son électorat radical classique, ceux des électeurs qui estiment désormais l'écologie décisive pour l'avenir sans pour autant se résoudre à voter pour EELV qui penche trop ouvertement à gauche pour eux.

... qui sont autant de faiblesse

D'abord il n'est pas seul dans ce marigot centriste. Bayrou, qu'il ne faut pas oublier, qui fit un score plus qu'honorable en 2007, H Morin du Nouveau Centre, sans compter D de Villepin qui chasse lui aussi sur les mêmes terres.

Or ces terres sont réduites.

Si Bayrou a pu réaliser un si bon score, pour un centriste, c'est d'avoir bénéficié en 2007 d'un concours de circonstances qui ne se reproduira vraisemblablement plus : appuyant sa figure d'éternel opposant sage, pointant ça et là les insuffisances de Royal mais fustigeant surtout les manquements démocratiques de Sarkozy (et là c'était plutôt bien vu !) Bayrou aura pu rogner à la fois sur sa droite et sur sa gauche, mais sur sa gauche surtout, pouvant dès lors se poser comme alternative, crédible mais rassurante, à Sarkozy pour ceux des électeurs peu convaincus voire effrayés par la campagne de S Royal, ou traditionnellement rétifs à un vote de gauche. (1)

La probable radicalisation des enjeux électoraux - le fameux clivage - risque de ramener les terres centristes à ce qu'elles sont : un tout petit village gaulois qui résiste bien mal.

L'écologie de Borloo si elle bénéficie du souvenir du Grenelle, soufffre en même temps de ce qu'on en fit : les reculs, les atermoiements illustrent aussi combien l'écologie de droite, pour sincère qu'elle puisse être, n'en reste pas moins une coloration supplémentaire d'une politique libérale, et non la colonne vertébrale d'un projet politique de rupture. L'image risque d'avoir le même effet que celui du discours de Chirac : oui la planète brûle (2) mais pourtant, tout se passe comme si l'avoir dit devait suffire. Or, l'heure ne semble plus être celle des envolées de tribune.

Les écologistes iront ailleurs.

Un terrain miné ... un bien petit marigot

On comprend un Sarkozy vouloir décourager une telle candidature qui fait courir le risque d'un 21 avril. On comprend plus mal le positionnement de Borloo, sinon pour marquer d'emblée sa place et celle de son parti pour la prochaine mandature : majoritaire mais à la marge ; indépendant mais pas trop ... Bref, inaudible.

Les centristes qui ne sont déjà pas nombreux semblent donc se répartir entre opposants (Bayrou) et majoritaires (Borloo) : bigre, bigre ! Beaucoup de crocodiles pour un bien petit marigot.

Sauf erreur totale d'analyse, l'heure est plutôt au choix tranché qu'aux synthèses mitoyennes. L'heure du centrisme est passée. Ils glisseront, comme d'habitude, vers les plus forts.


1) relire l'analyse du vote Bayrou par le Cevipof

2) Discours de J Chirac le 2 Sept 2002 à Johannesburg


Discours de Jean-Louis Borloo - Alliance... par partiradical