Elysées 2012

Hollande... donc

Cela se jouera donc entre ces deux-là, avec les trois autres en embuscade.

La bataille commence aujourd'hui

Les acteurs sont en place, désormais. Ceci simplifie les choses pour tout le monde.

- pour la droite qui peut désormais mettre un nom sur son adversaire et ajuster la boite à arguments, à polémiques et commencer de repérer sur quel axe elle devra mener sa campagne.

- pour les sondeurs professionnels qui, plutôt que d'empiler des suites invraisemblables d'hypothèses, pourront désormais interroger sur des solutions simples et claires, clivantes comme on dit .

- pour la gauche enfin qui dispose désormais d'un candidat désigné, connu, à l'image plutôt renforcée par des primaires où il sera parti tôt et y aura su, à tout le moins, afficher une belle endurance; Il lui en faudra.

- pour tous les autres candidats cloués au pilori du silence médiatique expulsés qu'ils furent par le grand barnum des primaires qui depuis quinze jours aura occupé toute la place.

Quelques inconnues cependant

Qui devraient être levées rapidement ... à moins de tout bouleverser.

- Quid du silence de Marine Le Pen qui semble avoir déserté les tréteaux depuis bien longtemps. Se méfier de l'eau qui dort dit-on ... effectivement. Même si l'image du FN reste négative selon cette enquête déjà ancienne, ceci n'exclut pas un vote protestataire fort au premier tour qui évidemment pourrait bouleverser la donne. Elle fonctionne de manière assez ambivalente finalement, à la fois repoussoir et point de focalisation néanmoins de toutes les humeurs. A ce titre, le score qu'elle obtiendra dépend moins d'elle-même, de la campagne qu'elle fera et de l'image qu'elle en dégagera que de la crédibilité des deux candidats principaux : c'est sa faiblesse ainsi que de n'être pas tout à fait maître de son propre jeu. Qui explique sans doute qu'elle eût attendu que l'horizon s'éclaircisse avant de sortir du bois. Manifestement elle se ménage ... et les finances de son parti qui ne sont pas bonnes, prompte sans doute à une Blietzkrieg plutôt qu'à une croisade au long cours.

- Quid d'Eva Joly dont la campagne semble patiner entre discours technique et négociations de thèmes de campagne et de sièges pour les législatives avec les socialistes ... Un positionnement pour le moment raté qui hésite entre une simple candidature de témoignage où l'objectif est seulement de se compter pour le 3e tour des législatives, et une candidature de plein exercice où l'objectif serait sinon de gagner - ce qui semble impossible - tout au moins d'imposer aux autres ses propres thèmes de campagne. Joly joue la rigueur, le sérieux et la technocrate qu'elle sait être, aussi enthousiasmante qu'un redressement fiscal ... et se trompe d'élections en menant une assez fadasse campagne de cantonale. A elle de redresser la barre assez vite pour ne pas être submergée dès lors que débuteront les premières grandes batailles. A elle d'imposer une image, une musique intérieure, un tempo : le veut-elle ? en est-elle capable ?

- Quid du vote alter ou anti-mondialisation ? Les 17% de suffrages d'Arnaud Montebourg au premier tour des primaires, le score, pour le moment, plus qu'honorable de Mélenchon dans les différentes enquêtes soulignent une radicalité que nous avons déjà relevée, qui n'est pas portée par Hollande même si, par efficacité sans doute, elle se sera portée sur lui hier. Cette exigence de sortie des voies classiques du libéralisme voire du social-libéralisme déplace le centre de gravité de la gauche bien au-delà de ce que représente Hollande, de ce que représente Aubry ; de ce que représente le PS en général.
La gauche qui, depuis 44, se sera toujours déclinée en deux versions, l'une plus radicale, l'autre plus réformiste, l'une longtemps incarnée par le PC, l'autre par la SFIO puis le PS, marche sur une seule jambe depuis l'effondrement du PC, manifeste depuis 2007 et les misérables 1,93 % de MG Buffet . La constitution de ce Front de Gauche, le courage politique du PCF - mais avait-il vraiment le choix ? - de non seulement s'y allier mais d'aller chercher un candidat hors de ses rangs, la gouaille et la verve d'un Mélenchon qui mène pour le moment une excellente campagne, non dénuée de provocations ni d'humour, qui parvient assez efficacement à faire entendre sa petite musique mais surtout sa différence tout ceci constitue un point d'ancrage pour ce vote qui loin d'être protestataire reste un vote alternatif tentant de reconstruire le volet radical, jacobin, d'une gauche qui a sucé jusqu'à en vomir les délices du girondin.

Rassembler

Règle d'or de toute présidentielle, nul candidat ne peut l'emporter au second tour s'il n'est pas capable de rassembler hors de son camp. Et le problème se pose finalement de la même manière pour la gauche et la droite : faut-il aller draguer sur sa droite ou sur sa gauche ?

- A droite, Sarkozy ne peut trop aller sur sa droite sans que la sanction électorale s'en suive immédiatement. Depuis Chirac, et de manière assez claire, et il n'y a aucune raison de douter aujourd'hui que cette option soit remise en question, aucune alliance avec le FN n'est envisageable. La seule stratégie possible reste celle empruntée par Sarkozy en 2007 consistant, selon l'expression consacrée par la presse d'alors, de siphonner les voix du FN, en en reprenant les thèmes, notamment sécuritaires.
Le problème pour Sarkozy reste que son bilan sur la question sécuritaire est perçu plutôt négativement (voir enquête IFOP, p 12) tout autant d'ailleurs que sur la question sociale ou sa capacité à entendre les préoccupations des Français.
Le problème est que, par ailleurs, quand même il le voulût, le programme économique du FN est tellement aux antipodes du sien, libéral, qu'aucune alliance ne semblerait ni possible, ni crédible.
Sur sa gauche, c'est-à-dire, au centre, l'horizon ne semble pas bien meilleur : certes l'hypothèque Borloo est levée, celle de Morin le sera bientôt qui finira bien par renoncer à faire sa coquette, reste Bayrou qui se présentera assurément, fort de l'illusion de ses 18,57% de 2007, mais dont l'espace politique se sera néanmoins considérablement rétréci depuis, et dont l'opposition viscérale à Sarkozy ne manquera pas de laisser des traces. Certes, l'électorat Bayrou penche plutôt à droite et finira bien comme en 2007 par tomber dans l'escarcelle de Sarkozy, mais il n'est pas certain du tout que cet appoint soit suffisant sans gages substantiels que je ne l'imagine pas, pour l'instant, concéder sans mettre à mal sa propre cohérence politique.

- A gauche, Hollande n'a en réalité pas le choix. Sur sa droite, il n'y a personne, ou presque ... tant l'électorat radical de gauche apparaît pour ce qu'il est, une résurgence baroque, quoique touchante, de la IIIe République. C'est bien sur sa gauche que les choses vont se passer et, sans nul doute ceci commence dès ce matin.
Réunir le parti et le mettre en ordre de marche derrière lui est une évidence autant qu'une nécessité : si les journalistes, prompts comme souvent à exacerber les conflits et les escarmouches plutôt que de mener analyse politique, se souviennent que le parti n'avait su se réunir derrière Royal en 2007, ils ont tort de supposer qu'il en aille demain de la sorte. Le PS n'a pas le choix, ne peut se payer ce luxe-là et l'union se fera d'autant plus facilement entre le camp Aubry et le camp Hollande que ce sont les mêmes, les mêmes programmes, les mêmes majorités.
Non l'essentiel est ailleurs, qui concerne le vote Montebourg, en interne, et le vote Mélenchon en externe. Parce que c'est le même problème, le même enjeu. Ce dernier avait pointé juste, avec son ironie habituelle en lançant Vous avez aimé Montebourg, vous adorerez Mélenchon : il n'a pas tort.
Le challenge de Hollande, lui qui passe pour plutôt représenter la gauche réaliste, sage et rigoureuse, consistera précisément à attirer ce vote alternatif, sans trop le trahir ni trop se déjuger. A ce titre, la démarche est identique vis à vis du vote écologiste.
Toute la question pour Hollande sera d'apprécier la portée de ce vote radical : s'agit-il d'un mouvement de fond qui s'amorce et que représente assez bien le baromètre des préoccupations des Français ? mais alors son positionnement risque de le mettre en porte à faux ! ou s'agit-il simplement d'une humeur passagère nourrie par les inquiétudes ? et alors il pourra mener son chemin de social-libéral.
Si comme je le soupçonne depuis quelque temps, ce vote radical représente les prémices d'un mouvement de fond dont le rejet de Sarkozy n'est que l'écume, mais la préoccupation environnementale et le rejet du capitalisme financier gros pourvoyeur d'inégalités, les données fondatrices, alors F Hollande doit comprendre, et ce sera difficile pour lui, qu'il doit décaler son discours.
Réenchanter
dit-il ! oui, manifestement, même si pour cela il n'est pas vraiment l'homme de la situation. La gauche n'attend pas de lui qu'il refasse le coup réussi par Mitterrand de s'allier au PC pour mieux le croquer. A tout prendre, c'est l'inverse. Ce qu'attend la gauche c'est bien plutôt qu'il porte, ensemble, ce qui fait l'identité du PS et la frange radicale et écologiste.
Quadrature du cercle ? Pour lui, sans doute ! mais s'il la rate, ce sera une élection pour rien ! Encore une fois !

Au bilan

B Teinturier croit entrevoir une lente évolution de l'électorat qui glisserait lentement du rejet au soutien : si tel devait être le cas, ceci serait un événement positif, non seulement pour la gauche, mais plus globalement pour la démocratie tant il semble important que l'électorat se mobilise sur des projets et non plus seulement, négativement, contre le passé ! C'est d'ailleurs plutôt une mauvaise nouvelle pour l'extrême droite qui fait son lit habituel dans la morosité ambiante et qui a tout à craindre d'une revalorisation du politique.

A lire, dans le registre du réenchantement, cette étude sur la fraternité.
Nous y reviendrons !