Elysées 2012

Autour de la campagne de Sarkozy

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Grincements

Inévitable sans doute - et salutaire - : les dents grincent ça et là face à la droitisation de la campagne électorale d'entre deux tours du président sortant. Raffarin ne peut le faire ouvertement, mais il prend date ; Villepin est plus direct mais il peut se le permettre. En tout cas, il ne saurait être tout à fait anodin que les deux premiers ministres de J Chirac marquent ainsi le pas. (1)

C'est que la stratégie de Sarkozy - outre l'indignité de la manoeuvre - est incompréhensible.

Suicidaire.

La logique électorale eût voulu, après un premier tour où l'on aura forcé sur le clivage droite/gauche de jouer le rassemblement au second tour.

Or, c'est tout le contraire dont il s'agit. Sans doute parce qu'arrivé second, il se retrouve dans la position du challenger ; sans doute aussi parce que, ce fin connaisseur - et gros consommateur - des sondages ne saurait ignorer que personne ne le donne gagnant, que plus grand monde même dans son entourage ne le pense possible et, en tout cas, arithmétiquement, que la seule manière pour lui de l'emporter demeure le report de voix quasi intégral des 18% de Le Pen ainsi que des 9% de Bayrou. Or, politiquement c'est impossible : tout ce qu'il gagnerait sur sa droite, il le perdrait sur son centre.

On peut chercher à cette stratégie toutes les explications que l'on voudra : elles ne rendront jamais véritablement compte de ce qui est en train de se passer. Mais quand même, essayons ....

- le profil psychologique du candidat doit bien un peu jouer : sûr de lui, arc bouté sur sa réussite de 2007 et la certitude - justifiée - de la bonne campagne qu'il y mena, Sarkozy assurément présume de ses forces et talents, oublieux qu'il est que le contexte fait tout autant la réussite. Contre les siens, il joua le transgressif, la rupture, la progression en 2007 quand on lui conseilla plutôt la continuité et le rassemblement ... et cela fonctionna. La conséquence en est aujourd'hui qu'il n'écoute plus grand monde et se coupe de ses propres bases. Mépris évident pour son adversaire, culot éhonté quand il s'agit sinon de mentir, au moins de déformer les propos de Hollande, invective systématique (mensonge, hypocrisie, incompétence supposés de son adversaire) en même temps que l'on joue sur la figure de l'homme seul contre tous, mais surtout, isolement à l'intérieur de son propre camp. Il est devenu manifeste aujourd'hui que cette campagne aura été menée à quelques uns, sans l'appui en tout cas des élus locaux - avec sa thématique étrange de l'homme s'adressant directement au peuple par delà les corps intermédiaires supposés brouiller et parasiter la volonté souveraine - ce qui est quand même un peu fort quand on est président sortant

- E Mignotl'option idéologique choisie, directement inspirée par P Buisson dont les origines extrême-droitières sont connues, ainsi que par E Mignon. Depuis le début l'idée reste que la droite n'est en position de gagner qu'en affirmant haut ses couleurs quitte, comme en 2007, à brouiller les cartes en citant Jaurès ou en simulant je ne sais quelle ouverture. Toute la question reste de savoir si, ce faisant, on demeure dans les fondamentaux de la droite ou si, au contraire, on ne glisse pas, désormais perceptiblement, du côté de la droite extrême. Or, il semble bien que jusque dans le clan des conseillers cela crée conflit puisqu'aussi bien un Guaino finit par estimer que la dérive est trop poussée sans parvenir pour autant à se faire entendre.

- un pari politique : le pays n'est pas à gauche ce qu'a confirmé le 1e tour même si, désir d'alternance oblige, l'étiage de la gauche est plus élevé qu'il y a cinq ans. Mais surtout le bouleversement qu'implique la mondialisation ferait exploser toutes les lignes et rendrait caduc le clivage traditionnel (2) pour ne laisser plus le choix qu'entre une droite résolue et une gauche de gouvernement, qui loin d'être révolutionnaire serait plutôt social-libérale.
C'est ici toute l'ambiguité mais sans doute aussi la contradiction du pari sarkozyste : hanté par le modèle anglo-saxon mais surtout américain, nous l'avons déjà relevé, son pari aura été tout au long de son mandat de bousculer tellement ce pays par des réformes à la hache qu'un retour en arrière deviendrait impossible. Aller jusqu'au terme possible de la libéralisation aboutit pourtant en même temps à heurter, dans son propre camp, ce qu'il pouvait demeurer de gaullisme social - que représente assez bien Guaino. Une telle évolution, qui ne peut fonctionner qu'avec un bi-partisme sage distribuant autour de l'axe ordre/progrès un parti plutôt conservateur face à un parti réformiste, longtemps impossible en France tant que dominait à gauche un PC fort, mais qui sembla à portée dès lors que celui-ci se fut effondré à partir des années 80, bipartisme qu'on eût pu croire réalisé avec l'hégémonie de l'UMP d'un côté et un PS quasi seul à gauche et l'illusion que 2007 eût durablement affaibli le FN, s'accomode pourtant mal des inévitables ressacs de radicalisation que l'accroissement des inégalités, la libéralisation à marche forcée du marché du travail, l'explosion du chômage et la désindustrialisation n'auront pas manqué de provoquer.
D'où le dilemme incroyable où se débat Sarkozy qui pour ne pas se laisser déborder sur sa droite, et espérer gagner encore, est bien contraint de faire exploser la digue, de reprendre certains des items de l'extrême-droite mais en même temps d'adopter des postures sinon dirigistes en tout cas étatistes - furieusement en contradiction avec ses propres fondamentaux.
Tout le pari sarkozyste tient en ceci : croire que l'on puisse être ultra-libéral au pouvoir et adopter des postures contradictoires le temps d'une campagne. Quitte à se mettre à dos toute l'Europe et notamment l'Allemagne sur quoi on prétendait s'appuyer en début de campagne ; quitte à vider le discours politique de toute pertinence et de surenchérir sur le déni politique en réduisant tout à l'état de coup de com. Tout à fait révélateur à ce titre, mais que l'on n'a pas assez repéré, demeure ce glissement qui de la référence sempiternelle au modèle allemand (en Janvier) le poussa à ne plus évoquer que frontières, protections depuis un mois.

C'est en ce sens que l'édito du Monde a un sens qui rappelle la faute politique : au prix d'une victoire à tout prix, on risque à la fois l'impasse et le déshonneur !

Ne reste plus, aux uns et aux autres que le cynisme ou le dégoût quitte à prendre des positions pas toujours à la mesure du danger.

C'est, en réalité, qu'il faut bien entendre cette dérive dans la dimension politique qui est la sienne.

Du sens politique de la droitisation


1) Lire :

Raffarin

Villepin

JF Kahn

Le Monde avait publié un petit dossier sur l'usage de l'histoire en politique et en particulier sur la référence à la collaboration

2) relire et revoir

A droite toute

ordre et progrès

paysage idéologique