Elysées 2012

Dérives

Derrière les manoeuvres, d'incontestables dérives...

Hier soir à Des paroles et des actes :

Un accord s'il a été signé entre les partis pour les circonscriptions, doit être respecté. En revanche, sur le projet, ce que les Francais auront voté s'ils me choisissaient comme président de la République, le projet que j'ai présenté serait le programme du gouvernement. Qu'il n'y ait aucun doute la-dessus

A priori rien de bien nouveau Hollande s'étant à plusieurs reprises expliqué sur les périmètres totalement différents des élections présidentielles et législatives. A bien y regarder pourtant, il y a bien autre chose :

- ou bien il ne voit dans l'accord EELV/PS qu'un accord électoral ponctuel de désistement - ce qu'il semble ici dire - et non un accord programmatique de gouvernement mais alors ceci renvoie au simple niveau de chiffon de papier un tel accord et explicite la vanité de tout programme politique qui ne seraient que des éléments de discours ponctuels pour une campagne, suggérant par là même cette idée, attribuée à Chirac, selon quoi les promesses électorales n'engagent que eux qui veulent bien y croire. Ce qui n'est pas très sain d'un point de vue démocratique et va furieusement à l'encontre de la tradition de la gauche.

- ou bien, mais les deux éléments de cette alternative ne sont pas nécessairement exclusifs d'un de l'autre, il s'agit d'une reprise de la mythologie présidentielle gaullienne de la rencontre d'un homme avec le peuple. L'idée que le président est au-dessus des partis et donc absolument pas lié par les engagements que les partis qui l'auraient soutenu auraient pu prendre. Avec cette idée que le président dessine les grandes orientations qu'il propose à la Nation et se place donc à la fois au dessus des partis mais aussi du gouvernement qui aura à les mettre en oeuvre.

Stratégie électorale ?

Lecture possible qui révèle bien le dilemme de Hollande qui devra bien pour le second tour rassembler, c'est-à dire faire le grand écart entre Mélenchon et Bayrou ! Ne pas affoler l'électeur centriste ni avec des promesses budgétaires irréalistes ni avec un arrêt nucléaire trop brusque. Stratégie qui vaut bien celle de Sarkozy qui flatte Mélenchon pour mieux gêner Hollande et l'électorat frontiste pour récupérer des voix en se gardant l'entre deux tours pour séduire les centristes.

Mais stratégie dangereuse parce qu'elle vide la parole politique de toute substance pour ne lui conférer que la supposée force du coup de com.

Présidentialisme ?

J'y crains plus volontiers une poursuite de la dérive présidentialiste du régime, en dépit des promesses faites par lui ; en dépit aussi de son caractère qu'on dit volontiers esprit de synthèse. En dépit de l'avis de G Carcassonne je ne suis pas certain que les pratiques institutionnelles des uns et des autres ne finissent pas par laisser des traces. Après tout, après le coup du 16 Mai 1877 et son ratage, c'est bien la constitution Grévy, comme on l'appela parfois, qui finit par s'appliquer c'est-à-dire notamment, le renoncement à tout pouvoir présidentiel autre que symbolique, notamment le droit de dissolution. La tendance déjà évoquée du dernier quinquennat à concentrer sur la présidence tous les pouvoirs, toutes les décisions au point de former à l'Elysée une forme de gouvernement-bis et de réduire celui de Fillon au rang de simples exécutants, laissera des traces.

C'est risquer là, d'un côté, d'accentuer encore la tendance des partis à n'être plus que de vastes machines électorales et, surtout plus, des usines à idées. C'est risquer de l'autre, en dépit des annonces et des promesses, d'affaiblir encore plus le parlement devant quoi le gouvernement est seul responsable en dépit même de la dernière réforme constitutionnelle.

On sait la constitution hybride : parlementaire, formellement, pour la responsabilité du gouvernement devant la Chambre ; mais présidentielle pour la prééminence du président. Ce savant mélange qui a déjà pour effet de déplacer le plus souvent les conflits possibles entre Matignon et l'Elysée, serait définitivement compromis si le premier ministre devait définitivement apparaître pour un soliveau. Et se renouvellerait un mandat où un homme seul déciderait de tout : ce qui est contraire à l'esprit républicain !

On a peut-être ici un des ultimes effets de la synchronisation du calendrier électoral : les législatives deviennent une simple réplique des présidentielles ... Gare en tout cas à une éventuelle réaction de l'électorat qui, pour les législatives, pourrait soit s'abstenir en masse, soit mijoter une de ces surprises dont il a le secret ...

A vérifier dans la pratique mais tout ceci augure mal de la suite éventuelle !


1) remarque confirmée ce matin sur France 2

J'aurai à rassembler la gauche, toute la gauche, et même au-delà, pour gagner l'élection présidentielle. Mais il n'y a pas de négociation de partis entre les deux tours d'une élection aussi majeure

2) sur la constitution relire : constitution ; crise et régime parlementaire

3) lire sur ce point l'exemple édifiant de la cagnotte du Ministère de l'Intérieur désormais gérée directement par l'Elysée