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À quoi bon puisque c'est encore
Moi qui moi-même me trahis

 

Peut-être n'arriverons-nous jamais à sortir du dilemme vérité et mensonge ! La ville, en son agitation et pullulements même, se veut le centre de l'action, la vie elle-même qui serait désert de l'ennui et pourtant tout n'y semble souvent que théâtre où se donne une représentation bien un peu foutraque pour le peu de mise en scène qu'on y décèle mais tellement vraie dira-t-on dans quelques années voyant ces photos qui suinteront la nostalgie comme sueur de forcenés.

Ceux-là, au centre de tout, au milieu des travaux, du carrefour, des passants qui traversent et des touristes qui s'égarent, des empressés et des râleurs, ceux-là, dis-je, s'embrassent sans se soucier de rien ni de personne ; comme s'ils étaient seuls au monde. On est toujours seul au monde quand on s'aime. Ils sont au centre et personne ne les regarde ; ils gêneraient presque d'avoir contraint celui-ci, bougon comme on ne l'est plus, à dévier légèrement sa trajectoire. Demain, pourtant, dans vingt ans, il se trouvera toujours quelqu'un pour estimer qu'aujourd'hui on ne pourrait plus et que décidément c'était mieux avant …

Voici tout est dit et le divorce est terrible : eux qui sont les acteurs de l'affaire ne jouent pas mais ne voient rien. Ils vivent ! Qui est, ne représente rien. La représentation commence après, avec le temps ; ou ailleurs, avec le regard de cet autre là-bas - moi en l'occurence - qu'on ne voit pas. On l'avait oublié : le spectateur est dehors, en bas ; pas sur la scène en tout cas. L'acteur, lui, agit ; il ne joue pas. Il n'est de théâtre que pour le voyeur qui d'ailleurs ne voit que ce qu'il veut voir.

Toute pensée est pensée de ; est pensée d'après. Elle vient toujours … mais si tard.

Traduttore, traditore

A quoi bon changer ? Puisque de toute manière ce que nous verrons nous ne le pourrons qu'au travers du prisme de nos préventions, de nos attaches, de nos obsessions ! La réalité ne nous surprend pas plus que nous ne la surprenons. Elle semble parfois filer de son côté ; nous du nôtre et c'est tant mieux nous nous dérangeons finalement assez peu. Après le spectacle, on range les décors : ils ne valaient que pour un momen. Il m'arrive pourtant bien parfois de m'interroger : qui de nous ou de la ville est le décor de l'autre ?

Nous y plaçons quelques monuments, antiques subsides de grandeurs passées ; quelques statues : il faut bien célébrer nos grands hommes. Le décor, qui finalement n'en était donc pas un, a ses ruses pour nous rappeler à notre fragilité. Il en va des gloires comme de nos amours … elles passent. Sic transit …

Ainsi donc puisque de vérité il n'est pas question non plus d'ailleurs que de trahison qui n'en est que l'envers (du décor) de quelle histoire s'agit-il ? quelle est celle que la ville nous raconte ou que nous nous racontons sur elle ?

Comment nous trahissons-nous ?

 

 

 


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