Machiavel, Le Prince, Ch. XXV, COMBIEN PEUT LA FORTUNE DANS LES CHOSES HUMAINES ET COMME ON Y PEUT FAIRE TÊTE, Pléiade, p. 365 - 366, Garnier Bec p. 433.

 

Tous les hommes ont en vue un même but : la gloire et les richesses ; mais, dans tout ce qui a pour objet de parvenir à ce but, ils n'agissent pas tous de la même manière : les uns procèdent avec circonspection, les autres avec impétuosité ; ceux-ci emploient la violence, ceux-là usent d'artifice ; il en est qui sont patients, il en est aussi qui ne le sont pas du tout : ces diverses façons d'agir, quoique très différentes, peuvent également réussir. On voit d'ailleurs que de deux hommes qui suivent la même marche, l'un arrive, l'autre pas ; tandis qu'au contraire deux autres qui marchent très différemment, et, par exemple, l'un avec circonspection et l'autre avec impétuosité, parviennent également à leur terme : or, d'où cela vient-il, si ce n'est que ces deux manières de procéder sont ou ne sont pas conformes aux temps. C'est ce qui fait que deux actions différentes produisent un même effet, et que deux actions pareilles ont des résultats opposés. C'est pour cela encore que ce qui est bien ne l'est pas toujours. Ainsi, par exemple, un prince gouverne-t-il avec circonspection et patience : si la nature et les circonstances des temps sont tels que cette manière de gouverner soit bonne, il prospérera ; mais il décherra (2) au contraire, si la nature et les circonstances du temps changeant, il ne change pas lui-même de système.