Elysées 2012

Repenser le statut des enseignants

Le Monde (1) daté du 1 septembre en fait sa une. En question une réforme du statut des enseignants. Cela faisait longtemps !

Tout le monde sent que quelque chose ne va pas dans le système scolaire français (2) , tout le monde sait aussi combien l'école, étant au centre même du contrat républicain, mais au coeur aussi de toute l'histoire de la république, la question est éminemment sensible. Chacun va donc y aller de son projet, de ses propositions, à pas mesurés, et, à gauche, d'autant plus prudemment, que les enseignants formèrent longtemps le coeur de cible des adhérants du PS, mais d'autant plus ostentatoirement que le projet socialiste concernant le système scolaire avait déçu.

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On connait l'étendue du problème : les réformes ont succédé aux réformes, la morosité des enseignants mais leur malaise surtout est évident que révèle leur piètre mobilisation, un corps enseignant qui se sent déconsidéré - il s'est mal remis de l'épisode Allègre - et reste mal payé - l'absence d'accord depuis 97 a fait des dégâts dans la fonction publique et les salaires ont manifestement pris du retard et sont même gelés pour deux ans ; en même temps on ne refera pas l'école sans eux. La politique du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux a touché l'enseignement en première ligne, celui-ci formant le gros des bataillons de la fonction publique d'Etat et commence à faire sentir ses effets qui ressemblent fort à une lente mais évidente dégradation du service public.

Faut-il s'étonner alors d'une réelle crise des vocations (3) pour ce métier, et plus seulement dans les disciplines scientifiques ? Faut-il s'étonner alors que la campagne lancée n'ait pas donné de prodigieux résultats ? Et ce n'est rien de dire que la mastérisation (recrutement des enseignants au niveau du master) avec la suppression des IUFM et de l'année de formation n'aura pas été pour rien dans la cacophonie ambiante.

Aussi insatisfaisant et ancien , que soit devenu à la longue le texte (4) qui définit l'enseignement - qui se contente d'en définir le service horaire hebdomadaire pour les certifiés (18h) et les agrégés (15h) le service annuel pour les enseignants du supérieur (192h), et même si tout le monde est conscient que le service de ces derniers ne se résume évidemment pas au temps de cours en présentiel, il y a néanmoins légitime crainte à ce que l'on revienne sur ce texte au moins dans la mesure om certains y redoutent ou une aggravation de leurs conditions de travail, ou, pire encore,une remise en question de leur statut même de fonctionnaire.

En tout cas, et même sous la fore du volontariat, l'introduction d'une différence de traitement - et de salaires - entre les enseignants sera inévitablement perçu comme une menace; Or c'est bien ce que propose L Chatel

une réflexion sur un nouveau statut, sur la base du volontariat, qui engloberait une nouvelle mission, un nouveau temps de présence et la perspective d'une meilleure rémunération. Bien sûr, il faut voir où on met le curseur pour que ce statut soit à la fois incitatif et ne coûte pas non plus aux finances publiques de manière excessive (5)

Et manifestement la gauche avance à pas comptés, trop craintive de prendre à rebrousse-poil une corporation qu'elle ne peut se permettre de perdre comme en 2007 où elle alla plutôt rejoindre Bayrou.

Bref un serpent de mer ! Une commission de plus pour un projet que l'on enterrera bien vite ? Il faudrait bien pourtant faire quelque chose ! et vite !

Nostalgie

Oui, quand même un peu pour ce qui me semble toujours être l'un des plus beaux métiers du monde et dont avec le recul, je ne comprends pas, ni ne pardonne, qu'on ait pu le laisser se dégrader ainsi.

Pas tellement pour ces hussards noirs qui firent la République - ils sont tellement loin de nous désormais - mais pour cette période de mon adolescence où nous n'imaginions - pour beaucoup - pas d'autre métier que celui-ci, non pour les vacances comme l'eussent proclamé les esprits chagrins ; non pas même pour ce qu'il nous eût permis d'éviter le monde de l'entreprise qui dans ces années d'après 68 nous enthousiasmait bien peu, mais parce qu'il nous permettait de travailleur avec de l'humain, et non des dossiers ; et nous donnait si peu que ce soit l'illusion, l'espoir en tout cas, de faire oeuvre utile.

Dans les rangs des marxistes on eut beau argumenter pour distiller combien l'école n'était jamais que l'organe reproducteur du capitalisme et en particulier de son idéologie bourgeoise dominante, nous sentions bien, une fois devant nos élèves et nos étudiants, que, quand même, il y avait là quelque chose de plus radical, qui nous importait et emportait.

Car oui l'enseignement a à voir avec l'avenir, et même si la remarque peut faire croire que l'on prenne la question par le plus petit bout, ou le plus mesquin, M Serres n'avait pas tort quand il y a quelques années il avait déclaré qu'un pays qui paie mieux ses gardiens de prison que ses instituteurs est un pays qui ne croit plus en son avenir. Ce n'est certainement pas un hasard si ce capitalisme financier dominant, avec toutes ses antiennes libérales, y reproduit sa lourde tendance à tout privatiser, à y renouveler sa logique moins de la compétence que du mérite, et à laisser, ici comme ailleurs, se développer un système à plusieurs vitesses qui finit toujours par favoriser les élites déjà dominantes.

Car, après tout, n'est-ce pas de ceci dont il s'agit ? Je n'aime pas l'expression ascenseur social, il n'empêche que longtemps, l'école fut le moyen, juste et gratuit, de redistribuer les cartes, de compenser les inégalités. Nostalgie, oui, de cette époque si lointaine déjà, d'une école qui sut repérer un Jaurès, issu d'un milieu paysan si pauvre, et lui offrir les moyens de faire des études en les lui finançant. Ce fils d'un modeste paysan finit professeur des universités : beau parcours ! L'école le fait-elle encore aujourd'hui ? qui semble tellement ne favoriser que les rejetons d'une bourgeoisie déjà installée et frayer seulement un étroit sentier pour les enfants d'enseignants.

Je crois bien que je ne fais pas enseignant : j'ai épousé ce métier.

Mais c'est vrai, je le vois irrémédiablement se dégrader.

Je suis comme tout le monde : je n'ai pas de solutions miracles.

Je sais juste que :

- l'école ne peut résoudre les problèmes globaux de la société et en particulier les problèmes sociaux

- les nouvelles technologies auront contribué largement à redistribuer les modes de transmission, de circulation du savoir et achevé de faire ce que la transformation radicale de notre société en une société urbaine avait déjà entamé. L'instituteur d'autrefois était quasiment - avec le prêtre parfois - la seule source de connaissance où les enfants puisaient. Ce n'est évidemment largement plus le cas.

- on n'attend plus la même chose des formations qu'autrefois. Nos humanités d'antan offraient un socle solide quand aujourd'hui on demande une formation professionnelle. Contrairement à ce qui fut dit et répété, l'université, notamment, aura parfaitement pris ce virage de la formation professionnelle et il serait malhonnête et faux de proclamer encore qu'elle reste déconnectée de la réalité économique.
Il n'empêche : en cinquante ans à peine on sera passé d'un système artisanal qui formait une trentaine de mille bacheliers (dans les années trente) à plus d'un demi-million désormais. Cette mutation on n'en parle jamais pourtant elle est lourde de conséquences, et de repositionnement.

- l'école en crise c'est quelque chose de la machine à égalité qui reste en panne et qui acroît encore les forces centrifuges. Rosanvallon a raison : l'égalité des chances ne fait pas une vision politique de la société. Or c'est bien pourtant le projet égalitaire de la république qui est en crise.

Je ne suis pas sûr, vraiment, que repenser le statut des enseignants soit la solution : une cautère sur une jambe de bois ?


1) ITV Aubry

Repenser le statut

Le statut des enseignants

2) revoir intervention de B Maris

3) Figaro du 30/05/11 Crise de vocation dans l'enseignement

Le Monde du 21/12/10

Campagne de recrutement

4) "Les membres du personnel enseignant dans les établissements du second degré sont tenus de fournir, sans rémunération supplémentaire, dans l'ensemble de l'année scolaire, les maxima de service hebdomadaire suivants : Enseignements littéraires et scientifiques du second degré : Agrégés: 15 heures. Non agrégés: 18 heures", dispose le décret n° 50-581 paru au Journal officiel du 25 mai 1950.

Depuis cette date, les tâches demandées aux enseignants ont été multipliées mais, officiellement, ils sont rémunérés pour leurs heures de cours.

5) voir article