L’Iniquité. Stock. Paris 1899.
recueil d’ articles de G. Clemenceau écrits tout au long de l’affaire Dreyfus
G.Clemenceau, le 1er novembre 1897 :
« Est-il donc impossible d’en finir une bonne fois avec cette histoire ? Dreyfus a été jugé par ses pairs, et déclaré coupable. Nous devons tenir le jugement pour bon, jusqu’à nouvel ordre. Ce qui fait évidemment l’hésitation de quelques consciences, c’est que certaines pièces du procès ont été soustraites au regard de tous, dans l’intérêt supérieur de la France, nous a-t-on dit. C’est aussi que l’expertise en écriture sur laquelle se fonde la condamnation a parfois été reconnue de certitude douteuse devant les tribunaux. C’est qu’enfin Dreyfus est juif, et qu’une campagne antisémite prolongée a créé dans une partie de l’opinion française un préjugé violent contre le peuple de qui nous vint Jésus. La bonne foi des juges ne saurait être mise en question. Mais les homme sont faillibles, ainsi que l’attestent de récentes erreurs judiciaires dans des procès conduits en pleine lumière.
Des brochures ont été publiées pour critiquer le jugement. Elles n’ont point paru avoir d’écho dans le sentiment public. Mais voici qu’on nous annonce que M. Sheurer-Kestner, vice-président du Sénat, a « des preuves irrécusables de l’innocence de Dreyfus ». J’avoue que cela me paraît difficile, mais M Sheurer-Kestner n’est point homme à s’engager légèrement. S’il a quelque chose à dire, qu’il parle. […] On n’a pas le droit de laisser ainsi l’opinion en suspens. Pour Dreyfus, s’il y a quelque présomption en sa faveur, pour nous, s’il est coupable, comme nous devons le croire, il faut parler très haut et vite. S’il y a quelque chose à dire, quoique ce soit, sachons-le. Sinon, que l’histoire se referme sur le crime.
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G.Clemenceau, le 27 janvier 1898.
[…] Et dans la conversation de tous les jours, que de gens s’écrient, pour se débarrasser des doutes qu’on leur suggère : « Que nous importe que Dreyfus ait été bien ou mal jugé ! C’est un juif . » Ces mots là resteront, car ils sont le caractère d’une époque.
G.Clemenceau, le 23 février 1898 s’adresse à la Cour à l’occasion du procès de Zola pour diffamation dans son article « J’accuse… ». Il est présent au procès pour défendre l’Aurore.
Messieurs, je l’avoue, mon ambition, puisque l’opinion française a été unanime au jour de la condamnation, serait que l’opinion française fût unanime aujourd’hui à reconnaître que les juges les mieux intentionnés, les juges les plus droits, les juges qui croyaient avoir pris toutes les garanties possibles de justice, ont pu se tromper, parce qu’ils sont hommes. Je voudrais que du même mouvement qui nous a, au jour de la condamnation, fait prendre parti pour le juge contre l’accusé, l’opinion française, dans l’intérêt supérieur de la justice et de la vérité, sans se manquer à elle-même, sans faire trot à l’armée […] se prononçât pour une révision de justice dans la pleine lumière. […] C’est une chose auguste, le peuple se jugeant lui-même. C’est une chose redoutable aussi, le peupledécidant de son avenir. À vous, Messieurs, de prononcer moins sur nous que sur vous-mêmes. Nous comparaissons devant vous. Vous comparaissez devant l’Histoire