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Geste que j'ai toujours trouvé émouvant ; presque spontané en tout cas certainement pas calculé ; qui sans doute trouve ses racines dans nos histoires les mieux enfouies ; que cette main posée ainsi au dessus des yeux pour se croire mieux protégé des éblouissements du soleil.

Voir bien, c'est voir de loin selon Joe Bousquet … Sans doute. Tel est sans doute notre lot commun que d'ajuster constamment notre regard et hésiter ainsi, irrémédiablement, entre distance trop grande qui nous offrirait superbe perspective mais araserait par trop les détails, et écart si réduit qu'il écraserait le tableau sous le scrupule du détail.

Il en va en réalité ainsi de tout … jusqu'au savoir. Et je ne m'étonne pas que, de contempler à théorie, tous les concepts en désignant les épisodes soient du registre de la vision. Peut-être l'Histoire en est-elle le magnifique exemple pour qui trop se rapprocher, et avec trop de sympathie, de la période étudiée revient à y perdre sa neutralité ; trop la toiser à respectable hauteur vous ferait courir risque de n'y rien saisir … ou avec tant de préjugés !

Les laboratoires sont assurément merveilleux champs d'expérimentation où, pourtant, nous perdons le monde au moins autant que nous ne le découvrons.

Il y va ici peut-être comme de cette oscillation constante mais tellement nécessaire d'entre pesanteur et grâce : regarder ce n'est pas seulement ficher son pied bien en terre pour s'y tenir plus stable et camper sur sa position comme un général obstiné. Ce que suggère le grec avec l'habileté de l'épistémologie. Mais reviendrait plutôt à tourner autour, en rond, à danser autour de son objet jusqu'à trouver d'en haut ou d'en bas, de côté ou de face, l'angle qui siérait le mieux tout en sachant que jamais nous ne saisirons mieux que l'infime exemplaire, tellement étriqué, de tous les compossibles. Car il nous faudrait l'omnipotence d'un dieu pour englober l'infinie combinatoire de toutes les perspectives ; la géographie de toutes les traces. Ou cette danse autour de l'objet, prompte à en saisir le surgissement au moment opportun, patiente sans jamais s'y lasser, où H Cartier-Bresson était passé maître.

Le regard est une rencontre, voilà tout. Un processus, donc ; une approche. Il est toujours celui de quelqu'un qui s'avance sur quelque chose ou quelqu'un qui tantôt se dérobe, tantôt se révèle mais toujours avec cette sagace pudeur qui fait le prix des conquêtes.