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Le monde étrange des objets

Les objets, à défaut d'âme - Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ? Lamartine - ont en tout cas une histoire. Le masque a depuis quelque temps quitté son espace hospitalier habituel où il ne cache rien ni ne se cache mais sert uniquement à protéger notamment les malades que l'on va opérer. Il fait partie de tout cet arsenal de protections et d'hygiène qui fit en un siècle l'hôpital devenir espace où l'on guérit de plus en plus ; de mieux en mieux ; de cet uniforme, avec blouses et gants, des salles d'opération ; de ce rituel presque magique, surhumain en tout cas où se joue la vie.

Ce n'est jamais bon signe quand il sort e son espace de prédilection. Masque à gaz durant les guerres par exemple. Outil paradoxal, si fragile, si ténu, de papier si aisément déchirable ; protection nonobstant.

Le voici désormais objet permanent de nos existences. Paravent ; écran ; muraille A nous faire presque oublier le visage de l'autre. A nous rappeler sans cesse que l'autre est danger quand nous aimions considérer plutôt en lui une promesse ; un espoir.

Symbole peut-être trop cruel de cette modernité qui fait le même geste, le même objet à la fois guérir et altérer.

Quand respirer meurtrit autant que vivifie ; quand le bouclier en même temps ampute et protège ; quand il n'est plus d'autre dévoilement que travesti ; quand même le visage se terre, ce n'est pas seulement la peur qui monde. Mais l'anxiété ; mais la solitude.

La déréliction.

Ces pantins de papier désarticulés offrent spectacle bien funeste ; bien triste ; tellement dangereux

Il faut la nuit pour achever le travail inverse car alors, mais alors seulement, se dévêt au confluent des reflets ce qui d'ordinaire se cache.