Il y a 100 ans ....
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Photo de campagne

 

La Fédération des gauches en meeting au Havre où elle rencontre les dockers.

Devant, debout, Aristide Briand ; derrière lui Chéron et Barthou. Lui a déjà été président du Conseil à quatre reprises avant de laisser sa place à Louis Barthou de mars à décembre 1913 période durant laquelle fut votée la loi des trois ans. Il le sera encore à sept reprises jusqu'à la fin des années vingt. Louis Barthou quant à lui ne retrouvera plus le chemin de Matignon, mais plusieurs fois ministre par la suite, il le sera des Affaires Étrangères quand accueillant le roi de Yougoslavie il mourut à l'occasion de l'attentat de Marseille.

A gauche, le second assis n'est autre que René Coty, pas encore député, il ne sera élu qu'en 1923, mais déjà conseiller général. Il sera, on le sait, le second et dernier président de la IVe avant de céder sa place à Charles de Gaulle et à la Ve.

Sans tomber dans la dithyrambe du journal Le Temps qui se plait à voir ces hommes sacrifier leurs postes à leurs idées - éloge un peu forcé pour Briand qui quitta finalement assez peu le pouvoir entre 1906 et 1932 ; onze fois président du conseil et vingt-huit fois ministre, ce n'est quand même pas rien - il faut néanmoins reconnaître que sa campagne de 14 autour de cette éphémère Fédération des Gauches n'avait pas d'autre objectif que de défendre la loi des trois ans qu'une victoire de la gauche pourrait remettre en question. Tout était en place même si via la loi, la question du pacifisme demeurait encore un coin enfoncé dans les certitudes politiques : ce peuple si étrange, que l'on défend et sert, mais ne semble pas toujours comprendre et à qui il faut sans cesse tout réexpliquer ; ce peuple ingrat qui menace de vous renvoyer dans l'opposition ; ce peuple qui semble ne pas vouloir admettre que l'heure menaçante est à la guerre.

La chose finalement ne manque pas de sel quand on songe à la carrière de pacifiste que Briand mena après guerre et qui lui valut le prix Nobel .... C'est que Briand est un réaliste ; un pragmatique dirait-on aujourd'hui ; un traître disait-on alors.

Cette photo finalement résume toute la république : l'élégance affichée, ces cols cassés et cette redingote tombant en ligne à peine déviée par cette main négligemment laissée dans la poche n'empêche pas d'aller au devant de l'électeur fût-il très populaire comme ici ; on allait au village, discourait sous le préau des écoles mais le meeting demeurait l'occasion rêvée de se montrer et expliquer. Depuis la loi de 1901, depuis que des partis comme la SFIO mais aussi le parti radical-socialiste s'organisent de manière moderne (1905) pour cesser d'être de simples comités électoraux, le meeting devient à la fois l'occasion d'une manifestation de force, mais aussi une vitrine.

Il s'agit bien de cela : ils se montrent ... mais restent sur l'estrade et même si, vieux tic de sa période socialiste, Briand n'hésite pas à se mettre en avant de l'estrade, il n'ira pas jusqu'à descendre dans l'arène. Le peuple est absent, c'est pourtant en son nom que l'on parle ; c'est pour lui que l'on prétend oeuvrer. C'est lui qui fera les frais de la grande boucherie à venir ....

La république, par le peuple, pour le peuple ... mais sans le peuple ! Ç'aura toujours été son drame, finalement