Au petit matin la place avait été évacuée et mise au propre. Le soir même, ils reprirent leur rondes, débats, diatribes et musique ; modeste d'abord puis rapidement envahissante sous les yeux goguenards mais vides des forces de l'ordre, la foule s'assemblait et se fit peuple. Il y a quelque chose de vain mais de délicieusement émouvant dans cette foule composite qui tente de réinventer la parole publique ; de se réapproprier l'espace public.

Nul lieu ne sera jamais meilleur que celui-ci.

J'avoue n'arriver pas à mépriser cela : bien entendu on pourra toujours en regretter les vaines logorrhées ou y soupçonner des révoltes bien trop aisées pour n'être pas seulement bourgeoises. Mais à quoi bon ronchonner ?

Je n'en attends rien de trop savoir qu'en se prolongeant, l'élan inexorablement s'instituera, puis s'institutionnalisera ... et se sclérosera enfin. Je crains bien que, décidément, l'histoire ne soit tragique. Pour le moment il embarrasse le pouvoir en place : c'est déjà ça même s'il est trop tard pour espérer encore qu'il se remette en cause. Que ceci soit l'étincelle qui permette demain de rebattre les cartes, de sortir de l'impasse idéologique, ce serait miraculeux…

Un peuple qui se lève et passe a toujours quelque chose de grand. Je n'en devine que les prémisses - mais elle y sont.